
Tessy Vanderhaeghe
Spécialiste de contenu et enseignante au Collège Éducacentre Technique en Intervention Sociale
Plusieurs recherches ont démontré le lien entre les mesures de confinement durant la pandémie de la COVID-19 et l’augmentation de la violence conjugale. Le lieu de travail est-il un espace sécuritaire et une échappatoire pour les personnes victime de violence domestique? Comment pouvons-nous reconnaître les signes de violence familiale chez nos collègues et employé·es?
Les différents types de violences
En 2018, Statistiques Canada rapportait que plus de 4 femmes sur 10 (et 36 % des hommes) ont subi une forme ou une autre de violence conjugale au cours de leur vie. La violence conjugale réfère à des événements dont la personne en situation de violence est âgée entre 15 ans et 89 ans et dont l’auteur présumé est un conjoint (de fait ou marié), un ex-conjoint (séparé, divorcé ou ex-conjoint de fait) ou un partenaire amoureux.
La violence conjugale est un phénomène complexe qui ne se limite pas aux attaques physiques d’un conjoint sur un autre et peut prendre une multitude de formes. La violence physique est très médiatisée, cependant elle est souvent accompagnée de violence psychologique, verbale ou économique. La violence psychologique et verbale est exercée par l’abuseur à travers la manipulation, les menaces et les propos méprisants et dégradants pour dévaloriser la victime. Cette atteinte à l’estime de soi de la victime peut l’empêcher de demander de l’aide ou même de réaliser l’importance de la violence qui est exercée. L’abuseur peut également utiliser la violence économique, telle qu’une privation ou un contrôle des ressources financières, faisant entrave à l’autonomie financière de la victime, même lorsque celle-ci occupe un emploi. Il est essentiel de rappeler que tout le monde peut être victime de violence conjugale, quels que soient l’âge, la race, la religion, l’orientation sexuelle, la situation économique ou l’éducation, l’orientation sexuelle, la situation économique ou l’éducation.
Comment reconnaître les signes de violence conjugale?
Que ce soit par peur de représailles ou par peur du jugement, il est courant que les victimes de violence conjugale essayent de dissimuler les signes de violence à leurs familles, ami·es et collègues de bureau. Cependant, il existe plusieurs signes qui peuvent être des indices de violences conjugales potentielles.
Votre collègue ou employé·e pourrait être victime de violence si vous remarquez que cette personne semble de plus en plus renfermée, qu’elle est plus souvent malade ou absente, qu’elle semble anxieuse lorsqu’elle parle de son/sa conjoint.e ou lorsque celui/celle-ci vient la chercher au travail, qu’elle couvre des bleus ou présente des explications confuses sur la raison des marques ou qu’elle ne peut jamais participer à des activités en dehors de ses heures de travail.
En tant qu’employeur·e, vous pouvez également remarquer des signes de violence économique tels que des changements d’heure de travail (en plus ou en moins) pour répondre aux demandes de son conjoint ou que l’employé.e ne semble avoir aucun contrôle sur le salaire qui lui est versé.
Comment réagir lorsque l’on soupçonne qu’un collègue·e ou employé·e est victime de violence?
La meilleure façon d’intervenir est de parler directement avec la victime.
Dans un premier temps, nommer ce que vous avez remarqué comme changements dans son comportement et expliquez-lui que vous êtes inquiet·e pour elle. Une personne en situation de violence peut tenter de justifier les situations de violence et penser que cela est de sa faute. Insistez sur le fait que la violence subie n’est jamais de la faute de la victime et que personne ne mérite d’être maltraité. Ensuite, offrez des ressources locales tels que des lignes d’écoute ou une liste des maisons d’hébergement. Enfin, restez présent·e, (si vous le pouvez) et offrez votre aide et votre soutien quand la personne en a besoin et est prête à les recevoir. Rappelez-vous qu’il est souvent risqué ou contre-productif de dire à la victime qu’elle devrait « juste partir », car quitter une relation abusive est un processus souvent long, difficile et il peut également être dangereux.
Sortir d’une relation abusive, qu’est-ce que ça prend?
Un des éléments les plus importants pour soutenir une victime souhaitant sortir d’une relation abusive est de créer un plan de sécurité (avec l’aide d’un organisme lorsque celà est possible), c’est-à-dire, une série d’étapes nécessaires pour quitter le conjoint violent de la façon la plus sécuritaire possible. Ces plans incluent généralement de trouver un nouveau domicile ou un hébergement temporaire, d’assurer que les enfants (ou animaux de compagnie) soient à l’abris et protéger, ainsi que de s’assurer que la victime puisse rapidement récupérer tous ces documents importants avant son départ (pièces d’identité, cartes de paiement, documents importants, etc.). Cela peut également inclure de faire appel à des services légaux ainsi que des services psychologiques.
Le processus de départ requiert du temps et de la préparation, et est généralement lourd psychologiquement et moralement pour les victimes. C’est pour cela qu’en Colombie Britannique, depuis 2020, tous et toutes les employé·es ont droit à un congé spécial pour leur permettre de quitter une relation abusive de façon sécuritaire. Cette réglementation stipule que les employé·es « ont droit à un maximum de 5 jours de congé payé et de 5 jours de congé supplémentaire non payé pour obtenir des soins médicaux, des conseils ou d’autres services sociaux ou psychologiques, des conseils juridiques, ou pour chercher un nouveau logement. Si nécessaire, un·e employé·e peut prendre jusqu’à 15 semaines de congé supplémentaire non rémunéré. Les employé·es peuvent prendre des heures intermittentes, des journées partielles ou complètes. Il n’est pas nécessaire de prendre le congé en une seule fois.».
Pourquoi est-il si difficile d’échapper à la violence conjugale?
La violence conjugale est un mécanisme complexe qui s’atteint à l’intégrité physique, morale et psychologique des victimes. La violence se déclenche souvent de manière graduelle avec des périodes de rémission durant lesquelles la victime reprend espoir que la situation pourrait s’améliorer.
Le cours de Réalité des genres du programme d’Intervention en travail social du Collège Éducacentre permet de vous familiariser avec les différents types de violence afin d’adapter vos interventions sociales et de référer les victimes de violences vers des services et des ressources adéquates. Ce cours vous donnera les outils nécessaires pour soutenir les personnes victimes de violence avec respect et empathie afin de leur redonner leur pouvoir d’agir.
Ressources disponibles
Carte interactive des maisons d’hébergement au Canada (disponible en français et en anglais)
Visitez 211.ca et retrouvez la page d’aide pour votre province
Informations et ressources pour faire face à la violence conjugale