
Chantale Roy
Enseignante au Collège Éducacentre (Programme en Santé, Nutrition holistique)
Diplômée en enseignement en sciences de la santé et en art culinaire

Comment adapter nos recettes préférées du temps des fêtes sous le signe de la santé et du plaisir pour tous!
À l’approche des fêtes, on peut se poser la question suivante : est-ce que « cuisine santé » et « repas festif » peuvent faire bon ménage? Pourquoi pas? Il suffit d’un peu de bonne volonté et de créativité pour qu’un plat respecte les préférences alimentaires de chacun, tout en étant un cadeau pour les adeptes des plaisirs de la table. En cette ère où l’on tend vers la polarisation sur tous les plans, pourquoi ne pas finir l’année et commencer la suivante avec une attitude conciliante, même en cuisine?
En plus de créer une ère sous le signe de la conciliation, une grande partie de la population est prête à faire sa part, au quotidien, bon temps mauvais temps, durant les jours de semaine comme durant les jours de fête, ensemble, pour s’éloigner d’un mode de vie qui ignore la cruauté animale, la crise climatique et les enjeux de santé de notre époque.
Dans cet article, il sera donc question des quatre cibles suivantes :
- Mettre davantage d’ingrédients d’origine végétale sur la table.
- Mettre à contribution une plus grande variété de céréales, particulièrement celles sans gluten.
- Inclure des modes de préparation altérant au minimum nos précieux ingrédients.
- Tourner le dos au sucre raffiné.
Pour concrétiser le tout, quelques recettes traditionnelles seront modernisées en version 2022, répondant à ces quatre objectifs.
Un temps des fêtes plus végétal
Avant de mettre la main à la pâte, demandons-nous quel est le véritable sens des fêtes? Même si la réponse à cette question varie d’une personne à l’autre, on peut sans doute y percevoir les notions de célébration, récompense, reconnaissance, unité, moment d’arrêt, plaisir, etc. D’autre part, quelle est la définition de « cuisine santé »? Il est fort à parier que les réponses seront beaucoup moins consensuelles… Cependant, il est de plus en plus fréquent d’y inclure la mention « plus végé ».
Sur ce plan, une étude prépandémique de la firme Léger datant de 2019 nous apprenait déjà que 9 % des Canadiens sont végétariens ou même végétaliens. Ce sondage révèle aussi que 26 % d’entre eux sont flexitariens, étant donc principalement végétariens, même s’ils consomment de la viande à l’occasion. Ces données viennent appuyer l’idée d’inclure une belle variété de plats mettant davantage en vedette des ingrédients d’origine végétale. Les plats traditionnels festifs ont longtemps mis l’accent sur le bœuf, le porc, la volaille, l’agneau, les poissons, les fruits de mer, les produits laitiers et les œufs. Pourtant, on peut tout à fait substituer les viandes notamment par des céréales, des légumineuses, du tofu, des champignons, afin de recréer des saveurs et textures festives. De leur côté, les algues comme les noris, le varech et le goémon rappellent bel et bien les saveurs de poisson et de fruits de mer.
Pour ce qui est de la pâtisserie, on peut imiter les œufs grâce aux graines de lin ou de chia moulues, la fécule de tapioca, le psyllium, la compote de pommes, la purée de banane, etc. Les laitages, quant à eux, peuvent faire place aux boissons, fromages, yogourts, crèmes et beurres végétaux : boisson de soya/riz/avoine/coco/amande/chanvre, faux-mage de noix de cajou, yogourt de soya, crème fouettée de noix de coco, etc.
Plus de farines et de grains entiers
La question des fibres alimentaires est de plus en plus familière à tout un chacun. On sait que, pour se sentir mieux, on a avantage à les prioriser, et ce, même quand il est question du choix des farines (souvent consommées en quantité pendant les fêtes). Même si seulement 1 % de la population est touchée par la maladie cœliaque (qui nécessite le retrait du gluten sous toutes ses formes de son alimentation) et que 6 % des gens seraient affectés par une sensibilité au gluten, comme l’indique la nutritionniste de la Fondation québécoise de la maladie cœliaque, Marie-Ève Deschênes, bien des convives choisissent de s’éloigner du gluten et des féculents raffinés. Ainsi, pourquoi ne pas en profiter pour oser cuisiner avec les farines et les fécules suivantes : riz, sarrasin, millet, maïs, sorgho, amarante, tapioca, amande, noix de coco, pomme de terre, etc.
Conservation optimale des nutriments
Avec l’inflation et la hausse du prix des aliments vient la conscience de la valeur des nutriments. On veille donc à ne plus gaspiller nos aliments, mais n’est-il pas tout aussi important de conserver le maximum de nutriments qui les contiennent? L’ultratransformation alimentaire de l’industrie est à choisir avec parcimonie, bien entendu.
Par ailleurs, les aliments qu’on surcuit, surgrille, surfrit, surtransforme dans notre cuisine auraient sans doute avantage à ne pas prendre toute la place sur notre table festive. Certaines méthodes de cuisson font la vie dure à bien des vitamines et minéraux. Par exemple, comme l’affirme le Dr Michael Greger, plus de 50 % de la vitamine C des épinards disparaît dans l’eau après les avoir blanchis seulement 5 minutes alors qu’après 15 minutes, c’est 90 % de cette précieuse vitamine qui part aux oubliettes.
Sans nécessairement ne présenter que des plats crus, avec des ingrédients non altérés par une chaleur élevée, on pourrait par exemple varier les types de cuisson. On peut même masser, mariner ou déshydrater de nombreux aliments qui rappelleront les textures cuites, tout en maximisant leur contenu nutritionnel.
Dent sucrée plus saine

Bûche de Noël, tartes de toutes sortes, biscuits irrésistibles, maison de pain d’épices… La plupart des grands et moins grands ont l’un de ces délices sucrés en tête lorsque la musique du temps des fêtes commence à jouer à la radio. Ils sont porteurs d’émotions et de souvenirs marquants. Ils évoquent momentanément l’harmonie au sein de la fratrie, la rare acceptation des uns et des autres, la touchante gentillesse d’une grand-maman, l’unité familiale annuelle ou le simple et précieux réconfort au bout d’une année de défis relevés ou pas.
Comment s’en abstenir? À vrai dire, inutile de jeter le bébé avec l’eau du bain, même pour ceux et celles qui tournent le dos de façon légitime au sucre raffiné. On peut apprendre à substituer ce vilain ingrédient par d’autres moins agressifs comme les fruits frais ou séchés, le sirop d’érable, le miel, le sucre de noix de coco, la poudre de dattes, le xylitol, le stévia, etc.
Cours de conception culinaire au Collège Éducacentre
Afin d’apprendre à cuisiner de façon plus saine, le Collège Éducacentre offre justement, à la carte ou dans le cadre de son programme de Nutrition holistique, le cours Conception culinaire. Au cours des quinze semaines de ce cours, en plus de devenir plus confiant et outillé en cuisine, on y apprend notamment à convertir des recettes en fonction des enjeux sociaux, environnementaux et de santé.
Recettes de plats festifs et santé
Maintenant que nos cibles sont bien établies, de quoi pourraient avoir l’air de tels plats traditionnels végétalisés, avec des grains entiers, sans sucre raffiné, tantôt cuits, tantôt crus? Voici trois recettes qui en font la démonstration.
Tourtière de millet aux champignons
Recette de Chantale Roy, tirée du livre « Menu des fêtes », 2014, Éditions hmmm.
Portions : 8
Ingrédients :
- ½ tasse de millet, rincé
- 1 tasse de bouillon de légumes, chaud
- 1 feuille de laurier
- Huile d’olive
- 1 tasse de carottes, émincées dans un robot culinaire ou avec une mandoline
- 1 branche de céleri, en dés fins
- ¼ tasse d’oignons rouges, émincés
- ½ c. à thé d’ail frais, écrasé
- ½ c. à table de thym frais
- Sauce tamari (sans gluten si les invités le requièrent)
Champignons grillés à l’ail :
- Huile d’olive
- 4 tasses de champignons blancs ou autres, émincés (moyennement)
- 1 c. à table d’ail frais, écrasé
- Sel himalayen et grains de poivre noirs, écrasés
1 pâte à tarte feuilletée ou brisée (sans gluten, si les invités le requièrent)
Préparation :
Porter à ébullition le bouillon de légumes avec la feuille de laurier. En même temps, dans une poêle à feu moyen, faire griller le millet rincé jusqu’à ce que l’eau soit évaporée et jusqu’à ce qu’il commence à blondir pendant environ 5 minutes. Ensuite, l’ajouter au bouillon. Porter à ébullition de nouveau et réduire à feu doux et couvrir pendant environ 20 minutes. Retirer du feu, couvert, pendant environ 5 minutes. Enlever le couvercle.
Faire sauter les carottes, le céleri, l’oignon et l’ail jusqu’à ce que le tout soit ramolli.
Ajouter les légumes, la sauce tamari au goût et le thym au millet.
Faire griller les champignons dans une poêle chaude légèrement huilée, jusqu’à ce qu’ils soient croustillants. Ajouter l’ail, le sel et le poivre.
Ajouter le millet et les légumes sautés.
Préchauffer le four à 375˚ Fahrenheit.
Étendre la pâte avec un rouleau sur une surface légèrement farinée. En placer une dans une assiette en Pyrex. Y ajouter le mélange. Recouvrir avec la 2e couche de pâte. Faire cuire pendant 30 minutes ou jusqu’à ce que la pâte soit cuite. Servir avec de la sauce soyeuse et des patates douces en purée.
Sauce végétalienne soyeuse
Recette de Chantale Roy, tirée du livre « Menu des fêtes », 2014, Éditions hmmm.
Portions : 4
Ingrédients :
- ½ tasse d’oignons rouges, émincés
- 1 c. à table d’ail frais, écrasé
- 1 c. à table d’huile d’olive
- 2 c. à table de fécule de maïs
- ¼ c. à thé de grains de poivre, fraîchement moulus
- 1 ½ tasse de bouillon de légumes
- 1 c. à table de sauce tamari (sans gluten, si les invités le requièrent)
- ½ c. à thé de sauge séchée
- ½ c. à thé de sel himalayen
- 1 c. à thé de thym frais
- 2 c. à thé de levure alimentaire
Préparation :
Ajouter un peu d’huile d’olive dans la poêle chaude. Lorsque l’huile est chaude, ajouter l’oignon et l’ail. Faire sauter le tout jusqu’à ce que ce soit ramolli et doré. Réduire la chaleur. Ajouter la fécule de maïs et remuer. Ajouter le bouillon, en remuant constamment.
Ajouter les autres ingrédients tout en remuant avec un fouet. Lorsque le mélange épaissit, retirer du feu et mélanger légèrement au robot culinaire ou au mélangeur, pour obtenir une consistance veloutée. Servir avec des patates douces en purée et de la tourtière de millet.
N.B. Il se pourrait fort bien que vous ayez besoin de doubler ou même tripler cette recette, vu sa popularité…
Gelée de canneberges et à l’orange
Recette de Chantale Roy, tirée du livre « Menu des fêtes », 2014, Éditions hmmm.
Portions : 6
Ingrédients :
- 2 tasses de canneberges, hachées
- ¼ tasse d’oignons rouges, en dés fins
- 2 branches de céleri, en dés fins
- 1 ½ c. à table de piment fort jalapeño, épépiné, en dés fins
- 1 ½ c. à thé de gingembre frais, râpé avec une microplane
- 2 petites (3/4 tasse) oranges, pelées et en dés fins
- 2 c. à table de jus de lime
- ¼ c. à thé de zeste de lime
- ½ c. à thé de zeste d’orange
- 1/8 c. à thé de muscade fraîchement moulue
- 1/8 c. à thé de cannelle moulue
- 2/3 tasse de sirop d’érable (ou moins)
- 2 ½ c. à thé de psyllium
Préparation :
Dans un robot culinaire, broyer légèrement les canneberges, jusqu’à ce qu’elles soient grossièrement hachées. Les mettre dans un bol avec les autres ingrédients et bien mélanger. Laisser mariner pendant au moins 4 heures au réfrigérateur. Peut se conserver dans un contenant de verre jusqu’à 1 semaine.
En conclusion, force est de constater que fêtes et santé peuvent se marier à merveille, en se rappelant que tout dépend des cibles de chacun : végétaliser, enrichir, optimiser les nutriments ou réduire les ingrédients moins désirables pour être en meilleure forme générale et ainsi profiter davantage des moments privilégiés en cette fin d’année. En enfilant son tablier, on peut simplement garder en tête que la cuisine santé n’est pas symbole de restriction, mais bien de maximisation. En quelque sorte, un plat est un cadeau à se faire ou à offrir, pour investir dans son niveau d’énergie quotidienne et dans sa santé. N’oublions pas que cette dernière englobe autant la santé physique que la santé mentale. Se sentir mieux dans son corps a des effets sur comment on se sent dans sa tête. Et par les temps qui courent où l’on a besoin de mobiliser toutes nos forces, chaque jour, contribuer au bien-être intérieur de ceux et celles qu’on aime est d’une valeur inestimable.
Bibliographie
Roy, C. (2014). Menu des fêtes. Éditions hmmm.
Légaré, C.-A. (2020, septembre). Les protéines végétales : un nouveau débouché pour l’industrie québécoise? Bioclips. MAPAQ.
Vermette, K. (2017, mai). Le point sur les maladies induites par le gluten : Entrevue avec Marie-Ève Deschênes, nutritionniste à la FQMC. Allergies Québec.
Greger, M. (2019, septembre). Nutrition Facts with Dr. Greger. NutritionFacts.org.